La plateforme de MOOC France Université Numérique (FUN) a fêté ses un an en janvier 2015. Son annonce puis son lancement avaient été largement relayés par la presse spécialisée mais aussi générale. Cette vague médiatique s’est accompagnée dans le milieu de l’enseignement supérieur du développement de premier MOOC mais aussi de questionnement sur cet objet aux contours encore flous. Le centre Virchow-Villermé est un des instituts pionniers dans la création de MOOC en France. Ce sera au total 17 MOOC qui auront été produits par la MOOC Factory du Centre à la fin 2015. Pour le Centre dont un des axes principaux est l’éducation à la santé publique et globale, ces MOOC sont une première étape. En effet, des sujets comme la santé nécessitent un accès et une diffusion des ressources à l’image de ces thématiques au potentiel et à l’impact social élevé. Mais quelles initiatives et dispositifs peuvent s’articuler avec les MOOC pour un enseignement en ligne, gratuit et ouvert au plus grand nombre ? En tant que coordinatrice des MOOC du Centre Virchow-Villermé, je souhaite revenir dans cet article sur le paysage éducatif à distance actuel et vous proposer une vision de l’enseignement en santé publique englobant les potentialités offertes par le numérique. Cette vision se base sur le partage de ressources éducatives en libre accès accompagné de dispositifs modulaires s’adaptant aux diverses demandes et besoins des participants et des instituts d’enseignements supérieurs.
Un point sur l’enseignement à distance ouvert
L’apparition de nouveaux dispositifs techniques (correspondance, télévision, internet) sont souvent l’occasion de se questionner sur la façon de transmettre des connaissances, de les évaluer et plus globalement de les enseigner. Les MOOC ont remis au gout du jour ces interrogations, mais aussi des espoirs et craintes dans le milieu de l’enseignement supérieur. Je souhaite tout d’abord revenir dans cet article sur quelques fonctions majeures sous-tendant un enseignement en ligne, gratuit et ouvert au plus grand nombre afin de comprendre les enjeux actuels et les potentialités qui nous sont offertes.
- La première étape consiste en la mise à disposition de ressources éducatives en ligne sous ses différents formats (syllabus, bibliographie, vidéo, audio, présentation) avec l’utilisation possible de licence pour favoriser le partage et la réutilisation de ces contenus (par exemple les licences Creative Commons). Se rajoute à cela une indexation de ces ressources pour favoriser leur visibilité et leur référencement sur des moteurs de recherche. Mais l’accessibilité et visibilité de ces connaissances ne signifient pas qu’elles vont être intégrées et comprises par ceux qui les utilisent.
- Cela m’amène au second point : l’accompagnement des utilisateurs pour faciliter l’apprentissage. Il se traduit par la mise en place d’un environnement personnel d’apprentissage. En effet, vouloir apprendre en ligne nécessite de l’autonomie et de la motivation de la part du participant. Cet environnement d’apprentissage consiste à la fois en :
- une structure (scénario pédagogique, organisation en session des ressources avec une temporalité donnée, espace de discussion)
- une communauté créée autour de ces ressources éducatives permettant aux participants de se motiver mutuellement mais aussi d’obtenir des réponses à leurs questions (approche constructiviste).
- une vérification des connaissances acquises sous la forme d’auto-évaluation ou d’exercices corrigés par d’autres.
- Ces deux premières fonctions sont complétées dans un dispositif éducatif par la reconnaissance de l’acquisition des ces contenus. Cette reconnaissance peut être source de motivation personnelle ou extrinsèque lorsqu’elle peut s’intégrer dans une formation certifiante. Ces parcours éducatifs 100% en ligne sont proposés depuis de nombreuses années par différents instituts. (Open University, CNAM). Mais pour pouvoir y accéder, cela nécessite une inscription et un coût. Les MOOC sont venus compléter cette offre avec la mise à disposition à tous de ressources éducatives.
Paysage éducatif numérique actuel
Aujourd’hui, différentes solutions sont proposées pour un enseignement à distance basé sur des ressources éducatives universitaires. En s’intéressant aux fonctionnalités présentées ci-dessus, je propose de décrire succinctement trois dispositifs : les MOOC, les OpenCourseWare et les environnements numériques de travail (ENT) des universités.
Connaissances | OpenCourseWare | MOOC | Environnement Numérique de Travail |
---|---|---|---|
1) Accès | ++ Accès gratuit ressources libres (CC-BY/CC-BY-SA) ou ouvertes (+NC/ND) | Gratuit avec licences ou copyright | Accès réservé |
2) Intégration | -- Pas d'accompagnement | ++ Forum de discussion, quizz, évaluation | Variable (rendu de devoir, suivi de la progression) |
3) Reconnaissance de l'intégration | -- | Attestation d'assiduité ou certificat payant | Diplôme universitaire |
MOOC
Le développement des MOOC en 2012 en Amérique du Nord puis à l’international est venu combler le manque d’accès et de visibilité des ressources de l’enseignement supérieur. Ces plateformes mettent ainsi à disposition des ressources éducatives gratuites (1/ Accès aux connaissances) mais tous les MOOC ne proposent pas de licences sur leur contenu ou bien des licences restrictives. Les contenus sont disponibles après inscription et se présentent souvent sous forme de sessions et d’un calendrier à suivre. Cela favorise ainsi la constitution d’un groupe de participants échangeant entre eux et avec l’équipe du MOOC sur un forum de discussion. A cela, se rajoute souvent des quizz d’auto-évaluation mais aussi des exercices corrigés par d’autres participants (évaluation par les pairs), solutions proposées pour s’adapter au grand nombre de participants (2/ Accompagnement et intégration des connaissances). Ces exercices permettent ainsi de vérifier l’acquisition de ces connaissances et donnent, si réussite, une reconnaissance (non diplomante) (attestation d’assiduité)(3/ Reconnaissance).
Les délimitations de cet “objet MOOC” ne sont pas figées et ont évoluées. Certains MOOC sont maintenant à la demande. Libre à n’importe qui de s’inscrire lorsqu’il le souhaite. Les attestations de suivis sont maintenant complétées par des certificats de spécialisation payants regroupant divers MOOC. Ces certificats en plus de service d’accompagnement sont au coeur du modèle économique de certaines plateformes développées par des entreprises (Coursera, Udacity, FutureLearn).
Au sein des universités, les MOOC viennent s’ajouter à des plateformes d’enseignements numériques déjà existantes
Environnement numérique de travail (ENT) et OpenCourseWare
Les environnements numériques de travail (ENT) ont été mis en place dans les instituts d’enseignements supérieurs avec le développement des TICE (Technologie de l’information et de la communication éducative). Ils proposent la mise à disposition de contenus éducatifs de cours. Ces plateformes de type moodle ou blackboard ne sont disponibles que pour les étudiants inscrits. Elles proposent aussi un espace de remise de devoirs, compte-rendus pour les étudiants et d’échanges entre les étudiants (forum de discussion). Ces ressources sont donc réservées aux étudiants inscrits; ce qui est critiqué par des mouvements pour des Ressources éducatives libres ou Open Education Ressources (OER) . Ces mouvements souhaitent une mise à disposition au plus grand nombre de ces connaissances.
Les OpenCourseWare, traduits en français par didacticiels libres ou matériels ouverts est une des réponses apportées. Ils mettent à la disposition de tous des ressources éducatives (syllabus, présentation) avec l’utilisation de licences. Soit des Licences libres ( CC-BY ou CC-BY-SA) qui permettent une réutilisation du contenu sans restriction ou bien des licences ouvertes avec des clauses non commerciales ou non dérivatives. Le premier Open CourseWare a été développé par le MIT en 2001. Ces plateformes sont souvent intégrées dans des consortiums tel que le OpenCourseWare consortium . Elles offrent ainsi des recueils de ressources éducatives (1/ Accès) mais sans proposer d’aide à l’intégration des connaissances ou d’évaluation (2/ et 3/).
Une proposition d’articulation de ces différents dispositifs
Dans ce paysage éducatif, comment réussir à articuler ces différents dispositifs afin d’offrir un enseignement le plus large possible avec une approche modulaire répondant aux attentes de différentes formations (diplomantes, certifiantes, tout au long de la vie) ?
C’est un enjeux majeur pour le centre Virchow-Villermé dont un des axes principaux est un enseignement ouvert au plus grand monde en santé publique.
Une solution pourrait être de proposer un socle constitué d’un OpenCourseWare mettant à disposition des ressources (syllabus, plan de cours, supports du cours, fichiers audio) en licence CC- BY-SA pour permettre la réutilisation de ces ressources au plus grand nombre. Une sélection de vidéos des MOOC serait mise en ligne sur une chaîne de vidéos favorisant leur visibilité et leur partage. Ce socle offrirait ainsi un libre accès aux connaissances et une visibilité des contenus. Concernant l’intégration de ces connaissances et la certification, des hybridations sont à imaginer entre les fonctionnalités des MOOC et des ENT.
Les MOOC offrent une interface simple d’utilisation et intuitive dont les ENT peuvent s’inspirer. L’écho médiatique reçu donne également à ces MOOC une visibilité importante. Les Environnements numériques de travail répondent aux besoins pédagogiques des universités en termes de suivi des étudiants et de leur évaluation. Ils offrent aussi une garantie de la protection des données des étudiants, ce qui n’est pas toujours le cas pour des plateformes MOOC(cf. modèle économique de certaines plateformes privées). L’enseignement à distance nécessite une interopérabilité entre ses différents dispositifs permettant un usage modulaire.
Au sein du Centre Virchow-Villermé, en s’appuyant sur ces différents dispositifs et en les articulant, nous souhaitons ainsi proposer des solutions pédagogiques et techniques innovantes à l’image de la portée sociale majeure des thématiques de Santé publique et globale.